Interdiction des écrans crèche : ce que ça change vraiment

Aujourd’hui, 2 juillet 2025, la France est passée à l’acte : l’exposition des enfants de moins de trois ans aux écrans est désormais interdite, par l’arrêté du 27 juin 2025, publié au JO le 2 juillet 2025. Il est même déjà publié sur le site du ministère.

Et ce n’est pas un petit mot glissé dans un article de loi… C’est une phrase claire et nette, noire sur blanc, dans la Charte nationale pour l’accueil du jeune enfant. Mais alors, comment faut-il comprendre cette nouvelle règle dans la vie réelle des crèches, des assistantes maternelles, et des familles ? Est-ce un changement radical ? Et surtout : que devons-nous ajuster dans nos pratiques ?

Je vous propose ici un décryptage raisonné, pour que vous ne lisiez pas seulement une interdiction… mais que vous compreniez le “pourquoi” du texte, le “comment” l’appliquer, et les “et si ?” qu’il soulève.

Interdiction des écrans crèche : que dit exactement la loi ?

Avant le 2 juillet 2025, le texte disait :

« Il n’est pas recommandé de laisser un enfant de moins de trois ans devant un écran. »

Aujourd’hui, il dit :

« Il est interdit d’exposer un enfant de moins de trois ans devant un écran (smartphone, tablette, ordinateur, télévision) compte tenu des risques pour son développement. »

Le changement est donc clair : ce qui était déconseillé est désormais interdit.

Ce qui l’est moins c’est qu’est-ce que cela signifie concrètement dans l’accueil au quotidien… Que veut dire “exposer” un enfant à un écran ? Est-ce qu’un bébé qui passe devant un visiophone est concerné ? Et une professionnelle qui entre une info sur sa tablette en présence d’un enfant ?

Pourquoi cette interdiction ?

Pour comprendre l’esprit de la loi, il faut revenir au 2ème point du Cadre national pour l’accueil du jeune enfant  :

« Le jeune enfant a besoin d’interagir avec son environnement, d’utiliser ses cinq sens et d’être en mouvement. Le jeu spontané et l’activité sont sources d’éveil et d’autonomie. »

Les écrans, qu’on le veuille ou non, vont à l’encontre de cela : ils figent, captent, distraient… sans répondre aux vrais besoins du développement. Et c’est ce raisonnement-là qui a motivé le passage de la recommandation à l’interdiction.

L’OMS recommande aussi l’absence d’écrans avant 2 ans : Recommandations de l’OMS

Ce que recouvre le mot “exposer”

Le mot est important. Il vient du latin exponere, qui signifie : “mettre en vue”.
Autrement dit, ce n’est pas seulement “poser un enfant devant une télé” comme on poserait un pot de fleurs.

C’est le fait de permettre qu’il soit mis en présence directe d’un écran allumé, visible, même sans interaction, même sans contenu destiné à lui.

Et c’est là que les choses deviennent complexes.

Interdiction des écrans en crèche : ce que ça change concrètement

La majorité (très grande majorité, voire l’ensemble) des professionnels de la Petite Enfance n’ont pas besoin de cette loi pour éviter les écrans avec les enfants. Ils le savent, le sentent, l’appliquent déjà.

Mais… il y a des usages plus ambigus :

🔹 Les visiophones à l’entrée

Ce sont des outils de sécurité.

  • Vous constatez que les enfants ne les regardent pas activement. Mais si le visiophone est accroché au mur donc à sa portée (visible, lumineux) est-ce que les enfants sont “exposés” ? Le texte ne précise pas…
  • Certains enfants ne les regardent pas plus que ça, mais d’autres pistent l’arrivée des parents, donc les regardent effectivement. Donc, dans ce cas, on peut estimer que l’exposition est réelle.

🔹 Les pointeuses digitales

On voit parfois des enfants “jouer à badger”. Pourtant, ce sont des écrans. La loi ne les cite pas, mais leur usage pose question : interaction ? exposition ? jeu ? habitude ?

🔹 Les tablettes des pros pour noter les transmissions

Si elles sont utilisées en présence de l’enfant, avec un écran allumé à vue… alors là, oui, on peut parler d’exposition. Même si ce n’est “que pour noter”. Ce que voit l’enfant, c’est une professionnelle concentrée sur un écran, et non en interaction directe avec lui. Et les enfants eux-mêmes regardent parfois l’écran, donc là ils sont effectivement concernés par cette loi.

🔹 Les ciné-bébés

La finalité est de regarder un écran, même si l’intention est éducative (pour l’éveil culturel et artistique) et ludique. On est bien dans une “exposition” directe. Donc, en cohérence avec la charte, cela contrevient à l’interdiction.

🔹 Les vidéoprojecteurs ou appareil à diapositives pour lire une histoire en grand format

L’intention est pédagogique. Le professionnel lit, interagit… mais le support principal reste une image projetée. Là encore, on “met en vue” un écran, donc… cela entre dans la zone grise du texte.

🔹 L’appareil photo numérique

C’est outil n’est pas interdit. Ce qui l’est, c’est de laisser les enfants regarder les photos dessus, voire de leur proposer…

Ce qu’il faut en retenir

👉 L’interdiction ne vise pas le contenu, mais la présence visuelle d’un écran.

👉 L’esprit de la loi, c’est de préserver les temps d’interaction réelle, de mouvement, de parole, de jeu libre.

👉 Ce n’est pas une guerre contre la technologie, c’est une protection active du développement sensoriel, moteur, relationnel de l’enfant.

👉 Cette interdiction des écrans en crèche ne cible pas les professionnels mais protège le développement des enfants.

 

Bien sûr, cette loi ne s’applique qu’aux pièces de vie des enfants. Le bureau et la salle de pause des pros ne sont pas concernés, tant que les écrans ne sont pas dans le champ visuel des enfants 😉

Appliquer l’interdiction des écrans en crèche : que faire concrètement ?

Pas de panique. On ne vous demande pas d’arracher tous les câbles ou de jeter votre tablette par la fenêtre. Mais voici des étapes concrètes pour aligner vos pratiques :

  • Faire le tri dans les usages actuels

Observez vos pratiques avec un œil neuf : quels écrans sont visibles ? Sont-ils utilisés en présence des enfants ? À quoi servent-ils vraiment ? Peuvent-ils être déplacés, éteints, ou différés à un autre moment ?

  • Mettre à jour vos documents de référence

Le projet d’établissement et en particulier le projet éducatif, le règlement de fonctionnement doivent refléter cette nouvelle interdiction. Mentionnez la volonté de garantir un environnement sans exposition aux écrans, conformément à la charte.

  • Préparer une communication visuelle anti-téléphone

Pour renforcer le message, pourquoi ne pas afficher un panneau clair et bienveillant dans le hall d’accueil, avec un pictogramme type “📵 Téléphone en pause” ou “Téléphone éteint = Attention disponible” ? L’idée n’est pas d’interdire brutalement, mais de rappeler que la qualité de présence compte pour les enfants.

Vous pouvez aussi proposer un petit visuel ludique à destination des parents : “Les enfants n’ont pas besoin de Wi-Fi pour se connecter à vous !”

Les enfants n’ont pas besoin de Wi-Fi pour se connecter à vous !
  • Informer les familles

Les parents ne savent pas forcément que la règle a changé. Et parfois, ils sont surpris qu’on “refuse” un usage qu’ils trouvent banal. Prévoyez un petit mot, un affichage, une discussion : expliquez le “pourquoi”, pas juste le “c’est interdit”.

Par ailleurs, c’est aussi l’occasion d’ouvrir une réflexion avec les familles sur leur propre usage du téléphone dans les temps de présence. Par exemple : un parent qui consulte son smartphone devant son enfant pour chercher une information ou une photo peut, sans le vouloir, l’exposer. Si l’enfant s’approche pour regarder ce qui s’affiche sur l’écran, on est bien dans une situation d’exposition directe. Cela peut faire l’objet d’un échange bienveillant… mais éclairant !

  • Missionner le Référent Santé et Accueil Inclusif (RSAI)

Le RSAI a pour mission de promouvoir la santé, la prévention et l’inclusion. Cette nouvelle interdiction entre pleinement dans son champ d’action. Vous pouvez mobiliser le RSAI pour organiser une sensibilisation sur les impacts des écrans pour les moins de trois ans, ou pour accompagner la révision des pratiques sur le terrain.

Cela peut également être un bon levier pour proposer une formation interne, un atelier de réflexion, ou un appui dans l’adaptation du projet éducatif.

En conclusion

L’interdiction des écrans en crèche n’est pas une simple contrainte réglementaire. Elle reflète une ambition forte : recentrer notre attention sur ce qui compte vraiment pour les tout-petits. Elle nous invite à questionner nos habitudes, à réajuster nos outils, et surtout, à faire de l’interaction humaine, du jeu libre et du lien direct les piliers du développement de l’enfant.

Au-delà de la règle, c’est une véritable opportunité de repenser nos espaces, nos gestes et nos priorités pédagogiques.

Et si au fond, le vrai message n’était pas “zéro écran”, mais “100% présence” ?

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