Comment sécuriser les pratiques en crèche ?
Encore une rentrée sous le signe du déballage médiatique pour la Petite Enfance. Bien évidemment qu’il existe des dysfonctionnements et des pratiques plus qu’intolérables au sein de certains EAJE mais je continue à inviter à calmer les esprits et éviter de mettre tout le monde dans le même panier. Des gestionnaires vertueux et véreux existent autant dans le secteur privé marchand, que dans le non marchand ou les collectivités publiques territoriales…
Au lieu de générer un climat d’hostilité en fonction des statuts des crèches, je préférerai que tous les acteurs se rassemblent pour assurer ce qui me semble être le plus important : la sécurité des enfants ou plutôt les sécurités des jeunes enfants : physique, psychique, émotionnelle et affective.
Comment y parvenir ? En sécurisant les pratiques des professionnels en crèche.
Les leviers pour sécuriser les pratiques en crèche
Divers leviers doivent impérativement être mis en place. Je ne les développerai pas tous ici, puisque ce n’est pas l’objet de cet article, mais je peux tout de même évoquer rapidement :
- Le renforcement du contrôle des établissements : évident qu’il est nécessaire d’en passer par là, pour stopper les pratiques déviantes, et pour TOUS les EAJE…
- Une vraie réflexion du mode de financement des crèches : incontournable et qui représente selon moi le pivot pour espérer sortir de cette crise sans précédent que subit notre secteur.
- La formation et la professionnalisation : une évidence elle aussi, ce sur quoi semble plancher le Comité de filière Petite Enfance.
- ….
L’une des missions qui me semble être la plus essentielle pour un(e) responsable de crèche est de veiller sur les pratiques des professionnels, et bien évidemment de s’assurer qu’ils se trouvent toujours dans la bienveillance auprès des enfants et de tous.
Sans vouloir surfer sur l’actualité de notre secteur, le fait est que ce sujet est plus qu’indispensable à travailler en crèche. Au travers de mes interventions auprès des directeurs et directrices de crèche et des équipes, j’identifie que dans la globalité, le sujet questionne et inquiète : soit par des pratiques qui sont déjà borderline, soit par des équipes tout à fait dans la bonne posture mais où chacun allume sa vigilance, au cas où…
La charte pour toutes les crèches
La charte nationale d’accueil du jeune enfant a été pensée pour être le socle de qualité à garantir dans toutes les crèches.
Elle pose et même impose (puisque le décret d’août 2021 rend obligatoire son application dans le projet d’établissement) 10 grands principes à respecter dans les établissements d’accueil du jeune enfant.
Vous me connaissez, je suis partie sur l’essence du mot « principe » afin de comprendre l’intention de cette charte. Parmi les différents sens proposés, celui qui me semble être le plus proche de ce que veut apporter cette charte est celui de la vérité.
Ces « 10 grands principes pour grandir en toute confiance » sont donc les vérités actuelles sur ce qu’est et ce dont à besoin un jeune enfant. Des vérités sur lesquelles l’ensemble de la profession doit se rassembler et faire tendre ses pratiques.
Oui mais voilà, une vérité n’est rien d’autre qu’une base de connaissance. Alors, si SAVOIR est très bien, cela n’est pas suffisant. Il faut surtout FAIRE. Alors, ce « savoir faire », où se trouve t’il ? D’abord dans le projet éducatif. C’est effectivement dans cette partie du projet d’établissement que s’illustre la façon dont l’équipe met en œuvre cette charte.
Cependant, il me semble que dans les projets, il peut manquer l’indispensable : le COMMENT on fait.
Ce qu’on sait sur l’enfant : la charte
Ce qu’on fait pour l’enfant : le projet éducatif
Comment on le fait : la charte des bonnes pratiques
Alors, oui, il y a certainement des EAJE qui mêlent tout cela dans leur projet, mais je m’aperçois que ce n’est pas forcément si clair que cela pour tous.
Une idée pour verrouiller le sujet est alors de disposer d’un autre outil, moins lié aux enfants mais plus au professionnel lui-même et dans sa relation contractuelle avec la structure.
Une charte voire des chartes pour sa structure
L’intention de la rédaction d’une charte est de formaliser les valeurs et les bonnes pratiques de la crèche.
Une charte peut revêtir diverses formes selon l’objectif fixé :
- Sur les valeurs pédagogiques de la crèche,
- Sur l’éthique
- Sur les engagements environnementaux
- Sur les critères d’un label
- …
- Sur les bonnes conduites
Les quatre premiers exemples revêtent plus d’une intention de communication et de rassemblement autour d’un socle commun.
La charte des bonnes conduites, elle, dispose d’un pouvoir supplémentaire : celui d’exprimer encore plus clairement ce que l’on souhaite et ne souhaite pas voir des professionnels en place en termes de règles de conduite auprès des enfants, des familles, de ses collègues, etc. Une charte signée porte déjà une valeur d’engagement.
Afin de lui conférer une valeur juridique, la rendant opposable en cas de litige (surtout prud’hommal), cette charte devra alors figurer à la fois :
- Dans le contrat du travail, signé par le salarié (ou par voie d’avenant, pour les professionnels déjà en poste)
- En annexe du règlement intérieur déposé au Conseil de Prud’hommes et à l’inspection du travail
Au-delà d’un règlement intérieur qui évoque la discipline, les droits et devoirs du professionnel, une charte des bonnes conduites pourra évoquer la posture, le savoir-être et le savoir-faire, comme par exemple :
Ce qui pourrait être proscrit :
- Crier
- Taper
- Saisir par la force
- Forcer à manger
- Laisser pleurer
- Menacer
- Punir
- Ignorer
- Humilier
- Donner des surnoms
- Faire du favoritisme
- Etc…
Ce qui pourrait être au cœur de l’engagement :
- Veiller à ce que l’Enfant soit toujours au cœur des pratiques
- Avoir une attitude accueillante, bienveillante, soutenante, conviviale
- Répondre aux besoins de l’enfant
- Faire vivre une pédagogie adaptée
- Faire évoluer sa réflexion et ses pratiques
- Travailler dans les valeurs communes telles que
- Respect
- Honnêteté
- Solidarité
- Intégrité
- Rappeler aussi la responsabilité que chacun porte sur ses actes mais aussi sur ce dont il est témoin…
Par ce cadre formalisé, les sanctions en cas de non-respect pourront alors être prises afin de faire cesser des pratiques non convenables et mettant dans l’inconfort voire en danger les enfants accueillis.